Carrière vous n’aimez pas réseauter? Vous n’êtes pas le seul

Même dans un monde où réseauter est indispensable, l’attitude des individus quant à la quête de contacts influents et la valeur qu’ils accordent aux relations de travail dans leur stratégie d’évolution varient d’une personne à l’autre. Compte tenu de l’ampleur de la littérature démontrant l’importance du réseau dans une carrière, il convient de se demander comment survivre quand on n’est pas passionné par le « networking ». Une centaine de professionnels récemment promus dans des cabinets d’audit, de conseil en stratégie et en droit des affaires ont été identifiés, et, dans les 12 à 16 mois qui ont suivi, la façon dont ils s’adonnaient au réseautage a été étudiée. Etonnamment, il a été constaté qu’avoir une stratégie de « networking » ne signifie pas nécessairement apprécier cette démarche. Certains ont une réelle appétence et un talent naturel pour cette pratique, d’autres se sentent mal à l’aise à l’idée d’avoir à réseauter. Un troisième groupe refuse tout simplement, lui, de participer à ce qu’il considère comme une manipulation sordide. Ils ont été baptisés les passionnés (30% de l’échantillon), les modérés (50%) et les puristes (20%). Les passionnés aiment faire des rencontres et se montrent stratèges dans leur approche : ils sont socialement hyperactifs, ont toujours plusieurs coups d’avance et créent des contacts avant même d’en avoir besoin. Ils sont proactifs et diversifient leurs actions, font des pieds et des mains pour se trouver des points communs et établir des rapports en dehors du contexte de travail immédiat. Ils comprennent les avantages qu’il y a à garder des liens avec des chefs de file, de même qu’avec des pairs qui pourraient leur offrir un soutien émotionnel ou participer à des échanges d’informations stratégiques, mais aussi avec des subordonnés performants afin qu’ils les suivent éventuellement au sein de leurs futures équipes.
Les passionnés, dont les réseaux sont particulièrement étendus, changent en effet plus souvent d’employeurs que les autres. Les modérés savent apprécier le « networking » mais se méfient de son pouvoir. Chez les modérés, construire des relations est souvent lié à des activités en cours ou à une expérience conjointe de travail – les contacts ayant été maintenus après la mission. Ils cherchent des opportunités pour exploiter des relations utiles, mais ont moins tendance que les passionnés à demander des faveurs, comme « être recommandé auprès de X ». Puisqu’ils ne se montrent pas proactifs pour entretenir les relations nouvelles, leur réseau – le plus dense mais aussi le plus limité des trois groupes – tend à s’amenuiser au fil du temps. En milieu de carrière, ils éprouvent souvent le sentiment d’être « coincés ». Les puristes trouvent le concept même de réseautage pénible. Leurs objectifs de carrière sont davantage liés à leur expertise qu’à l’idée de grimper les échelons. Ils pensent que le « networking » devrait se faire naturellement. S’ils tissent des liens, c’est seulement si leur fonction l’exige, et sans aucun objectif à long terme. Leur énergie est concentrée sur leur équipe ainsi que sur leurs clients, car, pour eux, c’est notamment par ce biais que la qualité de leur travail peut être appréciée. Avec le temps, les réseaux des puristes – les moins denses de tous – s’étiolent. Plus inquiétant encore : à la fin de l’étude, ils étaient moins engagés et intégrés que les autres. Le risque est qu’ils « dérivent » au sein de l’entreprise et en viennent à jouer un rôle bien moins important qu’espéré compte tenu de leurs compétences. Heureusement, les styles de réseautage ne sont pas immuables. S’il est assez rare qu’un puriste devienne un passionné, il est possible de procéder à des ajustements dans la manière d’établir et de maintenir les relations au travail. Et le premier pas est d’avoir conscience de son profil de réseauteur.
INSTITUTION
Charles Galunic est professeur en organisation et dirige la chaire Aviva de leadership à l’Insead.
Claudia Jonczyk-Sédès est professeure en organisation et en stratégie à l’ESCP Europe (Londres).
Ben M. Bensaou est professeur de gestion de la technologie à l’Insead.
ORGANISME